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cosmogonie/théogonie/mythologie descendantes-initiation remontante

Beaucoup de textes religieux comprennent une cosmogonie ( création d'un univers ) suivie d'une théogonie ( mécanisme d'apparition de dieux et de déités diverses, parfois ), finalement les hommes apparaissen ; dans les textes sacrés juifs qui sont aussi repris dans l'Ancien Testament des chrétiens, l'on parle de "genèse". Ce sont les mythes de la création ( où interviennent bien souvent des "puissances" tels des géants ( Adam), des Titans, des Archontes, des Eons ......)

A ce niveau, de l'incarnation, suivent d'autres mythes où interviennent des dieux, des déités diverses ( géants, nains, djinn's, Elfes, muses,des Saints.......), des demi-dieux, des Héros et qui consistent en des histoires apparemment merveilleuses ou teintées de magie ( même chez les Chrétiens avec les miracles ). Ces histoires sont cependant et de manière générale écrites dans un style métaphorique et symbolique, en manière telle que l'enseignement qu'elles véhiculent n'est pas directement accessible par une lecture superficielle ; les textes traditionnels se défendent et ne livreront leurs sens moral, éthique ou spirituel qu'après un long travail de lecture, de recherche et de travail sur soi.

Dès l'apparition du monde et de l'homme, dans les textes, on est dans le domaine existentiel que l'on qualifie de réel avec le temps, l'espace géométrique, la matière et l'énergie, c'est l'incarnation du vivant également. Ce qui se déroule avant, dans le mythe cosmogonique et théogonique ne consacre pas cette réalité; on détecte bien une chronologie de déroulement, mais il s'agit d'une succession métaphorisée, la mesure du temps physique n'y existe pas, par inexistance du temps, car avant l'apparition des astres, assortis de la régularité de leur mouvement, des étoiles, assorties de la fixité de leur position ne permettent pas  de détecter un quelconque rythme. C'est le domaine atemporel de l'émanation et l'on peut considérer l'incarnation comme étant la partie temporelle et réelle de cette émanation.

A partir de l'incarnation, on a l'univers et les hommes au contact de l'émané atemporel qui ne pourrait être accessible que par l'imagination,la prière, la transe ou la méditation ( extatismes ).

On a donc depuis l'avènement de l'esprit et de la psyché humaine deux essences, l'une existante et directement tangible ( l'univers physique ) et l'autre émanée mais non physique recouvrant le "divin" ( selon les mythes) ayant pour origine psychologique l'archaïque conception du " double " développée par Edgard Morin dans son ouvrage " l'homme et la mort ".

Evidemment après quelque réflexion, l'on se rend compte que ces mythes cosmogoniques et autres ne font que donner une explication de la création de nos deux mondes vécus, l'univers physique, vivant, et le monde autre, sacré, spirituel, imaginaire, divin,..., ils répondent au comment de la création. Et même,si ce mode d'explication, notamment de l'univers physique, vivant, pouvait être admis et même crû jadis, il est devenu difficile actuellement, par l'apparition des raisonnements scientifiques et logiques, d'y ajouter foi en toute honnêteté. Dès lors, pour pouvoir bénéficier des diverses richesses de ces philosophies religieuses, parce qu'elles en sont abondamment pourvues, il faut pouvoir en percer le langage qui n'est nullement scientifique et fait intervenir une constellation idéelle ménageant harmonieusement les aspects psychologiques, spirituels et ésotériques s'il en est, il faut vivre ces textes pour les comprendre.

Cela ne signifie pas que ces traditions religieuses n'abordent pas, dans leurs textes, la question du pourquoi y a-t'il quelque chose ?, En effet, qu'il s'agisse de Ra le démiurge égyptien, d'Alfodr, le démiurge scandinave, du Dieu de l'ancien testament apparaissant par son souffle au dessus des eaux primordiales, ceux-ci créent le monde, ils sont responsables de la genèse émanée. Mais quelle est l'origine de cette émanation, de ce monde non émané par définition ? C'est ce dont nous allons maintenant discuter. 

Dans ce lieu non émané, qui ne peut d'ailleurs pas être...,un lieu..., il y a, par définition tout ce qui n'est pas, ce qui n'a pas d'essence et autrement dit ce qui n'est qu'essence à l'image d'un potentiel préfigurant une force, en d'autres mots une énergie. A ce niveau, il faut  abandonner une mauvaise compréhension du principe principe  E = MC2   , la matière n'est pas de l'énergie et il n'est même pas démontré que la matière peut se transformer en énergie et vice versa. Ce principe exprime simplement une équivalence énergétique de la matière.Cela ne signifie pas que l'énergie n'est pas matière, mais il faut chercher comment.

Je sais que la phrase précédente n'est peut être pas facile à saisir, mais elle contient en germe une idée extrêmement féconde ; en effet, une énergie ne peut se manifester en physique que par l'association de deux polarités ( théorie des potentiels ); Lorsque l'on sait que la création mythologique fait état d'une corruption constituée de la déliquescence d'une Unité primordiale en divers multiples modélisables arithmétiquement, il est possible de comprendre intimement la métaphore androgynique qui est constitutive d'une majorité des émanations mythologiques de diverses genèses.

La base au moins virtuelle de la création est une unité "qui n'est pas", par définition de tout ce qui précède une genèse; Il s'agit d' une unité totale, comprenant le tout et dont le tout est dans l'unité. D'ailleurs un des ultimes chakras du joga de la kundalini évoque un espace de pensée où la matière constitue véritablement une illusion, ce qui montre, s'il en était besoin, que l'ascension initiatique est exactement en sens inverse de la cosmogonie et peut générer, en élévation, par exemple kundalinique, des états spirituels constituant un univers où ces essences différentes peuvent être ressenties. 

Il y a içi à comprendre qu'au niveau de base de la kundalini, celui qui évoque le monde réel, celui où l'on est noyé dans les racines de la terre spirituelle, il est impossible de pouvoir comprendre "ce qu'est ce lieu potentiel qui "n'est pas" mais qui "est tout", une purification et une transformation de ce qu'on appelle l'âme doit avoir eut lieu ( oeuvre au noir et oeuvre au blanc des alchimistes ) selon un processus initiatique et/ou mystique pour percevoir des bribes de la création . L'"esprit" est l'élément déclenchant de cette dynamique ( solaire, lumineux, pneumatique etc... ), l'âme et l'esprit étant d'ailleurs des constituants  susceptibles de se retrouver dans une androgynie mythologique génératrice de la triangulation sacrée de la naissance, au même titre que la polarité masculin /féminin, anima/animus .  

Rebis 2 

L'on peut içi faire état d'une autre idée très courante dans les textes traditionnels : la notion d'inverse, en effet, dans une tradition comme la francmaçonnerie, le rituel d'ouverture des travaux d'une loge d'apprenti comprend une phrase à laquelle cet apprenti devra se référer souvent et longtemps avant d'en saisir toute la portée : " la lumière jaillit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise "   Il s'agit d'un parfait exemple d'émanation de la dualité génétique.

En effet au point de vue de la réalité incarnée, l'on constate que pour pouvoir distinguer une lumière, il faut qu'elle apparaisse sur un fond sombre, et que pour pouvoir distinguer l'ombre, il faut qu'il y ait présence de lumière, il s 'agit d'une dualité dont les éléments sont co-substanciels et qui ne sont visibles que s'ils sont séparés. Relativement à la phrase teintée de brun, l'on remarque que les ténèbres n'ont pas compris la lumière, ce qui signifie que ces deux notions ne sont pas unifiées et peuvent ainsi correspondre à une émanation. dans la direction cosmogonique.

Dans la direction initiatique, c'est à dire de bas en haut, la compréhension du symbole androgyne, dont cet exemple avec les aspects lumineux/sombres est une dénotation particulière, permet de comprendre intimement ce que peut représenter l'unité absolue source de tout car comprenant le tout. Dans les textes traditionnels, cette notion de sombre/clair, de chaud/froid, de Masculin/féminin, est un couple d'inverse dont il faut comprendre que tout élément contient son inverse, et qu'il faut unifier ces inverses pour générer une naissance, un enfant royal. Le monde de l'incarnation est donc un monde d'opposition créant des tensions de nature énergétique, alors que l'unification de ces inverses annule ces oppositions et crée un monde ponctuel et infini de totale liberté. Le but initiatique est d'amener l'adepte à ressentir cette unité spirituelle.

Géométriquement, ce principe comprend trois points, l'élément et sont inverse sont deux points qui constituent la droite de base et l'unité de conjonction constitue le sommet de cette figure. Il est maintenant possible de démarrer la compréhension des figures triangulaires sacrées. Remarquons que le plan horizontal de la terre est un carré constitué des points cardinaux, c'est une transcendance horizontale, et que l'accès au Un est un triangle posé comme transcendance verticale dans le sens terre ciel ; cela explique la forme géométrique des pyramides de l'Egypte ancienne.  

Pour donner encore un coup de pouce, je mentionnerai le principe d'union de la terre avec le ciel ( Thalamus divin ou énatiodromie ou noces divines ... ) qui est à la base de toute la ( les) créations comme principe triangulaire, car accéder au Un nécessite un triangle, mais créer également, c'est la raison pour laquelle le monde est un carré que l'on inscrit au cercle  ( géométrie sacrée, nul n'entre içi s'il n'est géomètre ) car deux triangles équilatéraux à côté isométriques constituent la figure parfaite du carré cardinal. 

sans-titre-114.jpgAvant de sourire ou de rejeter comme idiotie ces sujets, il faut tenir compte du fait qu'ils sont présents dans les pensées de l'homme depuis son origine et qu'ils ont constitué pendant des millénaires la structure idéelle et créatrice de l'humanité, encore visible actuellement par des textes ou des réalisations architecturales extraordinaires. Ces traditions ont un seul but à l'origine, le bien et le bonheur de l'homme, l'optimalisation de ses facultés et l'harmonie des groupes sociaux. Je ne répèterai jamais suffisamment que ces textes doivent être lus comme étant des métaphores, des symboles, dont la compréhension peut prendre une vie puisqu'ils doivent être vécus. Ne vous arrêtez pas aux sornettes inlassablement tartinées dans les sois disant sites ésotériques du net, ils sont constitués essentiellement de fantasmes mal exploités générateurs de psychoses. La magie dont ils parlent n'a aucun effet et ne peut même pas s'appeler "magie" S'il existe une magie, elle est d'une autre nature, bien plus sérieuse et elle s'apparente à de la sagesse.Il en est de même pour les divinités et pour la divinité, ces noms recouvrent des idées correspondant à de très fortes réalités, très actives sur notre destin, mais n'essayez pas de vous asseoir sur leurs genoux, vous tomberez........c'est en cherchant ce qu'ils sont que vous les verrez peut-être se réveiller en vous .  

 VDS    

Cette sagesse a dit : « Heureux sont les pauvres. » MAITRE ECKHART

Or il y a deux genres de pauvreté. La pauvreté extérieure, bonne et très louable lorsque l'homme la vit volontairement par amour pour notre seigneur Jésus-Christ, comme lui-même l'a assumée sur terre. Mais selon la parole de notre Seigneur, il est une autre pauvreté, une pauvreté intérieure; puisqu'il dit : « Heureux sont les pauvres en esprit. » Soyez, je vous prie, de tels pauvres afin de comprendre ce discours car, je vous le dis au nom de la vérité éternelle, si vous ne devenez pas semblable à cette vérité, vous ne pourrez pas me comprendre. D'aucuns m'ont interrogé sur la vraie pauvreté et sur ce qu'il faut entendre par un homme pauvre. Je vais maintenant leur répondre.

L'évêque Albert dit : « Est un homme pauvre celui qui ne peut se contenter de toutes les choses que Dieu a jamais créées », et cela est bien dit. Mais nous allons encore plus loin et situons la pauvreté à un niveau bien plus élevé. Est un homme pauvre celui qui ne veut rien, ne sait rien et ne possède rien. Je vais vous parler de ces trois points et vous prie, par amour de Dieu, d'essayer de comprendre cette vérité, si cela vous est possible. Mais si vous ne la comprenez pas, n'en soyez pas troublé car je parlerai d'un aspect de la vérité que très peu de gens, mêmeprofonds, sont en mesure de comprendre.

Nous dirons d'abord qu'un homme pauvre est celui qui ne veut rien. Bien des gens ne comprennent pas véritablement ce sens. Ce sont ceux qui s'adonnent à des pénitences et à des pratiques extérieures, performances qu'ils tiennent néanmoins pour considérables, alors qu'ils ne font que s'autoglorifier . Que Dieu en ait pitié de si peu connaître la vérité divine! Ils sont tenus pour saints, d'après leurs apparences extérieures, mais au dedans ce sont des ânes qui ne saisissent pas le véritable sens de la divine vérité. Ces gens disent bien que pauvre est celui qui ne veut rien, mais selon l'interprétation qu'ils donnent à ces mots, l'homme devrait vivre en s'efforçant de ne plus avoir de volonté propre et tendre à accomplir la volonté de Dieu. Ce sont là des gens bien intentionnés et nous sommes prêts à les louer. Dieu, dans sa miséricorde, leur accordera sans doute le royaume des cieux, mais, je dis moi, par la vérité divine, que ces gens ne sont pas, même de loin, de vrais pauvres. Ils passent pour éminents aux yeux de ceux qui ne connaissent rien de mieux, cependant ce sont des ânes qui n'entendent rien de la vérité divine. Leurs bonnes intentions leur vaudront sans doute le royaume des cieux, mais de cette pauvreté dont nous voulons maintenant parler, ils ne connaissent rien.

Si on me demandait ce qu'il faut entendre par un homme pauvre qui ne veut rien, je répondrais : aussi longtemps qu'un homme veut encore quelque chose, même si cela est d'accomplir la volonté toute chère de Dieu, il ne possède pas la pauvreté dont nous voulons parler.

Cet homme a encore une volonté : accomplir celle de Dieu, ce qui n'est pas la vraie pauvreté. En effet, la véritable pauvreté est libre de toute volonté personnelle et pour la vivre, l'homme doit se saisir tel qu'il était lorsqu'il n'était pas. Je vous le dis, par l'éternelle vérité : aussi longtemps que vous avez encore la soif d'accomplir la volonté de Dieu, et le désir de l'éternité de Dieu, vous n'êtes pas véritablement pauvre, car seul est véritablement pauvre celui qui ne veut rien et ne désire rien.

Quand j'étais dans ma propre cause, je n'avais pas de Dieu et j'étais cause de moi-même, alors je ne voulais rien, je ne désirais rien car j'étais un être libre et me connaissais moi-même selon la vérité dont je jouissais. Là, je me voulais moi-même et ne voulais rien d'autre, car ce que je voulais je l'étais, et ce que j'étais je le voulais. J'étais libre de Dieu et de toute chose. Mais lorsque par ma libre volonté j'assumais ma nature créée, alors Dieu est apparu, car avant que ne fussent les créatures, Dieu n'était pas Dieu, il était ce qu'il était. Mais lorsque furent les créatures, Dieu n'a plus été Dieu en lui-même, mais Dieu dans les créatures. Or nous disons que Dieu, en tant que ce Dieu-là, n'est pas l'accomplissement suprême de la créature car pour autant qu'elle est en Dieu, la moindre créature a la même richesse que lui. S'il se trouvait qu'une mouche ait l'intelligence et pouvait appréhender l'éternel d'où elle émane, nous dirions que Dieu, avec tout ce qu'il est, en tant que Dieu, ne pourrait satisfaire cette mouche. C'est pourquoi nous prions d'être libre de Dieu et d'être saisi de cette vérité et d'en jouir éternellement là où les anges les plus élevés, la mouche et l'âme sont un; là où je me tenais, où je voulais ce que j'étais, et étais ce que je voulais.

Nous disons donc que l'homme doit être aussi pauvre en volonté que lorsqu'il n'était pas. C'est ainsi qu'étant libre de tout vouloir, cet homme est vraiment pauvre. Pauvre en second lieu est celui qui ne sait rien. Nous avons souvent dit que l'homme devrait vivre comme s'il ne vivait ni pour lui-même, ni pour la vérité, ni pour Dieu. Nous allons maintenant encore plus loin en disant que l'homme doit vivre de telle façon qu'il ne sache d'aucune manière qu'il ne vit ni pour lui-même, ni pour la vérité, ni pour Dieu. Bien plus, il doit être à tel point libre de tout savoir qu'il ne sache ni ne ressente que Dieu vit en lui. Mieux encore, il doit être totalement dégagé de toute connaissance qui pourrait encore surgir en lui. Lorsque l'homme se tenait encore dans l'être éternel de Dieu, rien d'autre ne vivait en lui que lui-même.

Nous disons donc que l'homme doit être aussi libre de tout son propre savoir, qu'il l'était lorsqu'il n'était pas et qu'il laisse Dieu opérer selon son vouloir en en demeurant libre.

Tout ce qui découle de Dieu a pour fin une pure activité. Mais l'activité propre à l'homme est d'aimer et de connaître. Or la question se pose de savoir en quoi consiste essentiellement la béatitude.

Certains maîtres disent qu'elle réside dans la connaissance, d'autres dans l'amour. D'autres encore qu'elle réside dans la connaissance et l'amour. Ces derniers parlent déjà mieux. Quant à nous, nous disons qu'elle ne réside ni dans la connaissance ni dans l'amour. Il y a dans l'âme quelque chose d'où découlent la connaissance et l'amour. Ce tréfonds ne connaît ni n'aime comme les autres puissances de l'âme. Celui qui connaît cela connaît la béatitude. Cela n'a ni avant ni après, sans attente, et est inaccessible au gain comme à la perte. Cette essence est libre de tout savoir que Dieu agit en elle, mais se jouit elle-même par elle-même comme le fait Dieu.

Nous disons donc que l'homme doit se tenir quitte et libre de Dieu, sans aucune connaissance, ni expérience que Dieu agit en lui et c'est ainsi seulement que la véritable pauvreté peut éclore en l'homme.

Certains maîtres disent : Dieu est un être, être raisonnable qui connaît toute chose. Or nous disons : Dieu n'est ni être ni être raisonnable, et il ne connaît ni ceci, ni cela. Dieu est libre de toute chose et c'est pourquoi il est l'essence de toute chose.

Le véritable pauvre en esprit doit être pauvre de tout son propre savoir, de sorte qu'il ne sache absolument rien d'aucune chose, ni de Dieu ni de la créature, ni de luimême.

Libre de tout désir de connaître les œuvres de Dieu ; de cette façon seulement, l'homme peut être pauvre de son propre savoir.

En troisième lieu, est pauvre l'homme qui ne possède rien. Nombreux sont ceux qui ont dit que la perfection résidait dans le fait de ne rien posséder de matériel, et cela est vrai en un sens, mais je l'entends tout autrement.

Nous avons dit précédemment qu'un homme pauvre ne cherche même pas à accomplir la volonté de Dieu, mais qu'il vit libre de sa propre volonté et de celle de Dieu, tel qu'il était lorsqu'il n'était pas. De cette pauvreté nous déclarons qu'elle est la plus haute.

Nous avons dit en second lieu que l'homme pauvre ne sait rien de l'activité de Dieu en lui. Libre du savoir et de la connaissance, autant que Dieu est libre de toute chose, telle est la pauvreté la plus pure. Mais la troisième pauvreté dont nous voulons parler maintenant est la plus intime et la plus profonde : celle de l'homme qui n'a rien. Soyez toute écoute! Nous avons dit souvent, et de grands maîtres l'ont dit aussi, quel'homme doit être dégagé de toute chose, de toute œuvre, tant extérieure qu'intérieure, de telle sorte qu'il soit le lieu même où Dieu se trouve et puisse opérer. Mais à présent, nous allons audelà. Si l'homme est libre de toute chose, de lui-même, et même de Dieu, mais qu'il lui reste encore un lieu où Dieu puisse agir, aussi longtemps qu'il en est ainsi, l'homme n'est pas encore pauvre de la pauvreté la plus essentielle. Dieu ne tend pas vers un lieu en l'homme où il puisse opérer.

La véritable pauvreté en esprit c'est que l'homme doit être tellement libéré de Dieu et de toutes ses œuvres que, Dieu voulant agir en l'âme, devrait être lui-même le lieu de son opération. Et cela il le fait volontiers car, lorsque Dieu trouve un homme aussi pauvre, Dieu accomplit sa propre œuvre et l'homme vit ainsi Dieu en lui, Dieu étant le lieu propre de ses opérations. Dans cette pauvreté, l'homme retrouve l'être éternel qu'il a été, qu'il est maintenant et qu'il sera de toute éternité.

Saint Paul dit : « Tout ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu. » Or, notre discours semble transcender la grâce, l'être, la connaissance, la volonté, et tout désir. Comment donc comprendre la parole de saint Paul ? On répondra que la parole de saint Paul est vraie. Il fallait qu'il soit habité par la grâce; c'est elle qui opéra pour que ce qui était potentiel devint actuel. Lorsque la grâce prit fin, Paul demeura ce qu'il était.

Nous disons donc que l'homme doit être si pauvre qu'il ne soit, ni ne possède en lui aucun lieu où Dieu puisse opérer. Tant qu'il conserve une localisation quelle qu'elle soit, il garde une distinction. C'est pourquoi je prie Dieu d'être libre de Dieu car mon être essentiel est au-delà de Dieu en tant que Dieu des créatures.

Dans cette divinité où l'Être est au-delà de Dieu, et au-delà de la différenciation, là, j'étais moi-même, je me voulais moi-même, je me connaissais moi-même, pour créer l'homme que je suis. Ainsi je suis cause de moi-même selon mon essence, qui est éternelle, et non selon mon devenir qui est temporel. C'est pourquoi je suis non-né et par là je suis au-delà de la mort. Selon mon être non-né, j'ai été éternellement, je suis maintenant et demeurerai éternellement. Ce que je suis selon ma naissance mourra et s'anéantira de par son aspect temporel. Mais dans ma naissance éternelle, toutes les choses naissent et je suis cause de moi-même et de toute chose. Si je l'avais voulu, ni moi-même ni aucune chose ne serait, et si je n'étais pas, Dieu ne serait pas non plus. Que Dieu soit Dieu, je suis la cause; si je n'étais pas, Dieu ne serait pas. Mais il n'est pas nécessaire de comprendre cela.

Un grand maître a dit que sa percée est plus noble que son émanation, et cela est vrai. Lorsque j'émanais de Dieu, toutes les choses dirent : Dieu est. Mais cela ne peut me combler car par là je me reconnaîtrais créature. Au contraire, dans la percée, je suis libéré de ma volonté propre, de celle de Dieu, et de toutes ses expressions, de Dieu même. Je suis au-delà de toutes les créatures et ne suis ni créature, ni Dieu. Je suis bien plus. Je suis ce que j'étais, ce que je demeurerai maintenant et à jamais. Là je suis pris d'une envolée qui me porte au-delà de tous les anges. Dans cette envolée, je reçois une telle richesse que Dieu ne peut me suffire selon tout ce qu'il est en tant que Dieu et avec toutes ses œuvres divines. En effet, l'évidence que je reçois dans cette percée, c'est que Dieu et moi sommes un. Là je suis ce que j'étais. Je ne crois ni ne décrois, étant la cause immuable qui fait se mouvoir toute chose. Alors Dieu ne trouve plus de place en l'homme. L 'homme dans cette pauvreté retrouve ce qu'il a été éternellement et ce qu'il demeurera à jamais.

Ici Dieu et l'esprit sont un et c'est là la pauvreté la plus essentielle que l'on puisse contempler. Que celui qui ne comprend pas ce discours reste libre en son cœur, car aussi longtemps que l'homme n'est pas semblable à cette vérité, on ne peut pas la comprendre, car c'est une vérité immédiate et sans voile, jaillie directement du cœur de Dieu. Que Dieu nous vienne en aide pour la vivre éternellement. Amen.


Maître Eckhart. Sermon 52, selon la numérotation de Josef Quint dans Die deutschen Werke

 

Date de dernière mise à jour : 25/11/2018

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